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Titre du blog : Les Cochons d'Inde
Auteur : lescochonsdinde
Date de création : 12-07-2009
 
posté le 29-01-2010 à 11:09:59

République d'urgence

Hello Hello !

Un petit article qui va rendre compte de la situation de l'Inde en cette belle année 2010 qui vient tout juste de commencer : pour raconter une telle folie, il fallait un évènement à la hauteur.

Ca tombe bien mardi c'était Republic Day, jour anniversaire de la proclamation de la Constitution indienne, le 26 janvier 1950.

Avant de s'arrêter sur le trajet de l'Inde indépendante (vaste sujet) au cours de ces 6 décennies, nous allons devenir patriotes le temps d'un instant et admirer les belles photos de la parade militaire de rigueur pour chaque Republic Day, parce que je le veux et que nous nous sommes quand même levés à 5h30 dans le froid pour voir entre autres le régiment de chameliers rajasthanis, le dernier IRBM (missile ballistique nucléaire à moyenne portée pour les novices des RI ahah), ou encore des chars folkoriques venant des quatre coins de l'Inde...

 

   

 

 

 

 De toute façon, la fierté nationale en a pris un coup car un satané brouillard nous empêchait de voir à plus de 20 mètres, assez pour enlever le grandiose à l'oeuvre mais pas suffisant pour que les indiens ne deviennent hystériques au son des Sukhois 30 de l'armée de l'air.

 

Après s'être juré de ne plus assister à un défilé militaire, opération assez chiante s'il en est, voici venu le temps des questions.

Et les journaux indiens pour une fois arrivent à prendre du recul (même si le Republic Day fut bien évidemment magique et grandiose...) avec des Unes comme "Avons-nous trahi l'idée républicaine ?" ou encore "Have we failed ambedkar (le rédacteur principal de la constitution)" : un vent nouveau souffle sur l'Hindoustan !

 

Les journaux fustigent l'incompétence de la classe politique et son inadéquation avec la société indienne actuelle. La shining India de 2010 est riche d'entrepreneurs, d'une classe moyenne florissante et pleine d'espoir en l'avenir : le 21ème siècle sera Indien... ou pas si les politiciens s'en mèlent.

En effet, si la société civile a pris la marche de la modernité et se tourne résolument vers l'avenir, un boulet l'empêche de réellement prendre son envol : l'immense machine étatique indienne avec à sa tête : le politique.
Tous les échelons sont gangrenés par la corruption qui atteint des niveaux affolants (les mesures proposées sont à la mesure de la cupidité des indiens : automatiser le plus grand nombre de tâches qui ne nécessitent pas l'intervention humaine), avec des proportions autrement plus graves qu'un petit
backsheesh pour avoir internet plus vite.

Bien sûr cette corruption est encore plus endémique dans les états les plus pauvres. Il est affligeant de voir d'immenses bungalows à New Delhi appartenir au Chief minister du Bihar, état le plus pauvre de l'Inde.

L'Etat Indien tombe de Charybde en Scylla concernant la gestion des fonds publics : corruption et inefficacité des politiques publiques font la paire.

Pour vous donner un exemple en 1947 lors de l'indépendance l'Inde et la Chine avait quasi exactement le même PIB/hab, l'Inde ayant même un IDH légèrement plus élevé. Aujourd'hui la Chine est trois fois plus riche que l'Inde (excusable, la Chine s'est ouverte plus tôt aux IDE et à l'économie de marché) mais ce qui passe moins c'est le retard de développement qu'accuse l'Inde, avec un IDH de 0,6 (0,78 pour la Chine), elle se bat côte à côte avec le Yémen ou la Birmanie et se fait de loin distancer par la Corée du Nord (sic).

On pourra dire tout ce que l'on veut sur le modèle de développement chinois, il en reste que Mao et toute sa clique de successeurs à col gris et chaussures à fermeture éclair ont réussi le pari de l'éducation basique et d'un l'accès à la santé pour les masses, chose que l'Inde à quelque peu négligée.

Les conséquences ? La plus grande population d'analphabètes au monde (moins de la moitié des femmes sont léttrées), près d'un enfant sur quatre souffre de malnutrition, les infrastructures sanitaires sont défaillantes ou inexistantes (à 100 mètres de chez nous, les égouts sont déversés dans un canal qui rejoint le fleuve dans lequel les indiens pompent leur eau potable, se lavent et font leurs prières [phénomène que tous les touristes ont connu s'ils sont allés a Varanasi]), ce qui entraine la persistance de maladies telles que le choléra ou la dysentrie.

Si l'Inde a su découvrir de l'eau sur la Lune il y a deux mois, elle n'est même pas capable de satisfaire aux besoins vitaux de sa population.

30% des indiens vivent encore avec moins de 10eur par mois, et les politiques d'éradication de la pauvreté successives n'ont eu que des effets dérisoires.

 

Pourtant tout le monde est au courant de la situation, il est assez incroyable de voir le nombre d'ouvrages sur la question du développement (ce n'est pas un hasard sur Amartya Sen, père de l'IDH, est indien), chaque mois des dizaines de titres viennent enrichir les librairies déjà pleines de livres-recettes pour éradiquer les fléaux dont souffre l'Inde.
L'incurie de la classe politique pour résoudre les questions de développement n'a d'égal que son manque de considération pour des principes inscrits de marbre dans la constitution : l'égalité et la justice.

95% des citoyens indiens sont impuissants face à l'appareil policier et judiciaire, qui agit impunément pour satisfaire son intérêt propre.

La malhonnêteté, l'immoralité, la cupidité sont présents à tous les étage de l'édifice. Une petite histoire pour illustrer l'ampleur de la catastrophe : Ruchika Girhotra, petite indienne de 14 ans, allait faire du tennis à Chandigarh (une ville près de Delhi), quand un policier-/entraineur de tennis du quartier lui proposa de la coacher. Je passe les détails mais elle se fit battre par ledit policier.

Elle porta donc plainte (nous sommes en 1990, jusque la l'histoire aurait pu se passer dans n'importe quel pays... pas sa suite.) et se fut le début de la fin. Usant de son influence le policier réussi à expulser Ruchika de son école, faire licencier son père et charger son frère de vols et autres délits.

  

         Ruchika et son petit ami le policier

 

La famille fut constamment harcelée et menacée, ne trouvant aucun soutien de la part des autorités (police & justice), mais décidant de continuer le combat.

En 1993 et en réponse directe aux évènements, Ruchila se suicida.

En 2000 le policier fut promut directeur en chef de la police de l'Haryana.

Il y a un mois, en décembre 2009, 19 ans après les faits, le verdict final fut rendu, et le policier reconnu coupable.

Le verdict ? 6 mois de prison avec sursis et 15 euros d'amende.

Cette affaire est arrivée à une famille de la classe moyenne urbaine : imaginez l'idée de justice pour le paysan de basse caste vivant dans l'Uttar Pradesh... 

L'Inde va mal les amis, très mal, et ceux qui peuvent faire changer les choses ne s'en soucient guère.

Les Indiens absorbent les injustices depuis trop longtemps : il est grand temps pour la classe politique de se réveiller et de penser à autre chose qu'à leurs privilèges, ou qu'à se comporter en petits potentats locaux, maires du palais, despotes, adepte du népotisme et autres passe-droits (on ne refuse rien à la petite famille}.

 

Symptomatique de ce phénomène, les millionaires en roupies représentent maintenant plus de la moitié des parlemenaires, alors qu'ils étaient moins d'un quart aux élections de 2004. De même près de 15% des parlementaires ont un casier judiciaire pour meurtre.

L'agitation sociale grandit de jour en jour : les troubles du Telanga (volonté de création d'un nouvel état dans le Sud de l'Inde, près d'Hyderabad) n'en sont qu'une manifestation parmi d'autres.

 

Bonne résolution pour 2010 : avant d'instaurer l'état d'urgence, il est urgent de remettre la République sur les rails et de se rappeler que l'Inde avait "un rendez-vous avec le destin" selon les mots que Nehru avait prononcé le 14 aout 1947. Il serait grand temps de tenir cette promesse, car si rien n'est fait les Indiens vont sombrer, en emportant l'Inde avec eux.

 

Jai Hind !  

 

Commentaires

cambodge le 01-03-2010 à 08:33:21
La suite.
cambodge le 01-02-2010 à 05:02:55
Wow.


Décapant votre article, on dirait qu'après des mois de digestion vous donnez votre avis, ou un avis, sur le pays.
hugo le français le 30-01-2010 à 18:43:13
j'ai moi aussi été corrompu par les services secrets indiens ( ils existent!!...) et sachez que maitenant vous etes sous surveillance, votre post ne leurs plait guére, et vous faites désormais partie de la liste noir du RAW! à dans bientot en esperant qu'ils ne vous arrivent pas de malheurs !! ...

ps: gros bisxx ^^