Les Cochons d'Inde

26 Septembre 2010

Le retour en Europe, l'été, le début des cours... Tout cela est arrivé très vite, et nous voilà déjà installés dans notre vie estudiantine aixoise, où les journées sont rythmées par le travail et les soirées encore nombreuses. 

L'Inde, Delhi, cette formidable expérience qui ressemble déjà a un souvenir! Pourtant, on sait que ce n'est pas fini. Nous allons commencer les cours d'Hindi à la fac de Lettres de l'université de Provence, et l'Inde sera au centre de nos mémoires, ces pavés qui sont le sésame pour le diplôme de l'IEP ! 

Avant de clôturer ce blog, qui nous a accompagné tout au long de l'année dernière, je voudrais brièvement raconter la fin de notre aventure indienne.

Le dernier article, celui de la Kumbh Mela, date du 18 Mars. 10 jours après exactement, nous quittions le sous - continent pour d'autres espaces.

Nous avions passé notre dernier week end à Srinagar, capitale du Cachemire : balades dans les jardins moghols, détente sur le Dal lake et nuit sur un houseboat pour deux jours parmi les derniers en Inde.

Du Cachemire (Laddakh en Août)  au Cachemire (ici), 9 mois se sont écoulés: la boucle est bouclée!

Le retour en France n'était prévu que pour le 24 Juin (du fait de notre visa que nous n'avons pu prolonger) et nous comptions explorer une partie de l'Asie jusque là!

Au Népal, notre première destination, nous avons communié sous le toit du monde (Annapurna Base Camp 41000m) au terme d'un trek de 7jours avant de découvrir la région de Katmandou, tout cela en compagnie de Florence (Indialog).

De retour en Inde, nous avons parcouru les régions si peu connues du Nord Est, en passant par les incontournables Darjeeling et Kolkotta, et avons fait de très belles rencontres. 

Puis nous sommes arrivés au Myanmar, où nous avons côtoyé les individus les plus extraordinaires qui soient, d'une gentillesse et d'une serviabilité à toute épreuve, surtout celle de la dictature.

En Thaïlande, nous nous sommes régalés des facilités touristiques, malgré le côté plus hypocrite des relations humaines. Un pays sur lequel j'avais beaucoup de préjugés négatifs et qui s'est finalement révélé être une destination formidable. Spéciale dédicace à Laurianne et Wouter que nous avons retrouvé :)

De l'autre côté de la frontière, au Cambodge, nous avons renoué avec l'influence française (dans l'architecture, la nourriture etc.) et Véréna qui nous a accueillit à Phnom Pen. Nous nous sommes régalés des temples d'Angkor malgré la fournaise ambiante.

Avec notre amie, c'est vers la Chine que nous nous sommes envolés. Salomé et Pierre - Alain, des amis IEPiens en colloc à Shanghaï nous y attendaient. Dans cette ville profondément cosmopolite et à la pointe de la modernité, nous avons retrouvé un rythme quasi - européen dont nous ne soupçonnions même plus l'existence. Nous avons également eu l'occasion de nous balader au milieu des pavillons de l'exposition universelle.

C'est en couple que nous avons continué ce séjour chinois: Xi An et ses murailles nous ont arrêté quelques jours (Armée de Terre cuite), le temps de rencontrer Roman (la seule personne que je connaisse qui ait osé aller au Tibet en stop et en toute illégalité) et Sona. Puis c'est à Datong que nous avons fait escale avant de rejoindre Beijing. Hébergés par l'extraordinaire Sona, nous avons parcouru l'immense capitale chinoise pendant plusieurs jours.

De retour en Asie du Sud Est, nous avons fait un passage éclair au Vietnam, le temps de découvrir la très vivante Hanoi et la baie d'Halong.   

Dernière véritable étape de ce pèlerinage asiatique: le Laos. Probablement la plus formidable des expériences que de se sentir si libre dans un pays si beau. Quittant les sentiers battus, nous nous sommes perdus dans le Nord du pays, puis sommes redescendus vers le Sud en passant par quelques endroits incontournables (Vientiane, Luang Prabang). Montant dans des bus qui empruntaient des routes improbables, nous arrêtant dans des villages plus beaux les uns que les autres, nous baignant dans le Mékong, traversant des rivières à vélo, partant pour plusieurs jours d'excursion à moto ... Un véritable coup de coeur. 

La fin du voyage est évidement arrivée trop vite. En quelques jours nous avons quitté la tranquillité de Thakkek, nous sommes repassés par Bangkok, puis avons passé 24h chez Sam (qui est toujours là bas lui! J'espère que tu mesures ta chance :p) et Stéphanie à Delhi (adieux, derniers colis, derniers déboires administratifs, adieux encore).

Le 24 Juin 2010 à 6h du matin, nous nous retrouvions sur le tarmac d'un aéroport parisien, sans trop savoir pourquoi ni comment nous étions arrivés là. Sur un nuage, nous avons passé les contrôles de douane, et avons observé cette vie, ces autres, qui nous semblaient maintenant si étrangers.

C'est là dessus que je clôture cet article.

Bon vent! 

Titre pas très original, mais pour un évènement comme ça les photos parleront plus que les mots...

Enfin quelques lignes pour rappeler aux méconnaisseurs de la civilisation hindoue  que la Kumbh Mela est la plus grande fête religieuse au monde, elle se déroule tous les trois ans dans quatres villes à tour de role. Donc chaque ville accueille l'évènement tous les douze ans !

Les pèlerins se sont préparés depuis des mois, voire des années, pour assister à la folie religieuse qui va se déchaîner sur la petite ville d'Haridwar, au bord du Gange et au pied de l`Himalaya.

 Et nous voici embarqués au beau milieu de milliers de fidèles venus de toute l'Inde, les plus étonnants d'entre eux étant les sadhus (nagas) débarquant en string (parfois sans) depuis leurs grottes ou huttes perdues au fin fond des forêts indiennes.

Les sadhus sont les mystiques de l'hindouisme, des individus reclus vivant en ermite et pratiquant des rites peu catholiques. Souvent sous l'emprise de susbtances douteuses, ils sont peu commodes et mieux vaut ne pas se trouver dans leur chemin quand ils courent pour aller prendre le bain (interdit également de les voir se baigner, sous peine de se faire massacrer: des bagarres éclatent souvent entre sadhus et policiers et ça tourne vite au barbarisme).  

 La Kumbh Mela dure près de 5 mois, de janvier à avril, mais si les pèlerins affluent continuellement pour pratiquer leurs ablutions rituelles dans le Ganges, la Mela est régit par 4 bains royaux, occasion  pour tous les sadhus et gourous (dont le gourou (ou baba) réchauffement climatique et le gourou super grand ongle ( oui oui, un seul) de se montrer et de faire un peu de propagande avant d'aller à leur tour se baigner.

C'est à l'occasion ces bains (cela dure une journée) que l'atmosphère du pèlerinage est la plus impressionnante, avec des dizaines de milliers de personnes se massant le long des rues pour apercevoir les processions de sadhus.

Pour vous donner une petite idée de l'ampleur du phénomène, la Maha Kumbh Mela de Allahabad en 2001 a rassemblé près de 70 millions de pèlerins !!!

                        cérémonie de l'arthi sur le ghat Hara-ki-Pari

Apres 24h dans un bain de foule permanent, il fait persque bon retrouver le "calme" de Delhi... 

 C’est la fête des couleurs, l’annonce du printemps, et pour faire court, la plus grande fête de l’année avec Diwali, la fête des Lumières et Nouvel An hindou en Octobre.

Depuis quelques jours, les choses se préparent. Des boutiques de fortune vendent des armes de toutes sortes dans la rue, et l’acheteur est souvent un enfant dont la taille est généralement inférieure à celle de l’arme achetée. Quelques attaques isolées, sans conséquences majeures, ont eu lieu et nous faisons nos courses en rasant les murs…

 Mais hier soir, ils ont allumé les feux, c’était le signe, le déclencheur. Comme tous les soirs, les hauts parleurs crachaient à nos fenêtres leurs paroles inconnues et incomprises. Mais les bruits se sont faits plus fort, et les voix se sont multipliées et le quartier de Single Story s’est animé. Nous sommes habitués à l’animation, c’est la saison des mariages depuis bientôt 3mois, mais cette fois, c’était différent.

Nous étions à peine réveillés ce matin, quand un jeune garçon inconnu, la figure et les habits peinturlurés, a fait irruption sur notre balcon. Guillaume est allé voir de quoi il s’agissait et j’ai entendu « Sister,sister ! ». Ma première réaction a été de me cacher, il faut dire qu’on nous a tellement mis en garde sur la dangerosité de l’évènement pour les filles ! Bref, Guillaume me pressant, j’ai fini par faire irruption sur le balcon. Le garçon s’est alors jeté à mes pieds, et est resté quelques secondes, sa tête posée sur mes chaussettes, propres, avant de nous remercier et de repartir en courant. Il semblait sous l’emprise de l’alcool, ou peut être avait il simplement bu un peu trop de bhang, légalisé partout aujourd’hui. Cet évènement, le premier de la sorte, nous a mis en alerte.

Quand nous sommes sortis aujourd’hui nous avons ressenti dès nos premiers pas une tension palpable. La rue semblait être le théâtre d’une guerre civile, des groupes de jeunes hommes étaient embusqués à tous les balcons, tandis que les femmes  se terraient derrière les fenêtres, jetant de rapides coup d’œil sur le champ pour évaluer la position des leurs. Nos propriétaires nous avaient mis en garde, et c’est avec appréhension qu’ils nous ont vus partir en milieu de matinée.

Malgré la présence de notre ami Praveen venu nous chercher à notre domicile, nous avions essuyé plus d’une dizaine d’attaque avant d’atteindre le cœur du quartier, à moins de 50mètres. Nous réfléchissions à comment riposter ou comment nous protéger, quand ils nous ont eu, en plein dans le mille, 5personnes touchées.

L’atmosphère était troublante. Non seulementil y avait ces embuscades, ces hommes perchés sur les toits ou accroupis derrière les balcons, attendant qu’une cible se présente ; il y avait ces passants pressés, qui nous jaugeaient du coin de l’œil, se demandant peut être ce que nous faisions là, ce que nous cherchions… Mais il y en avait d’autres, ces quelques uns qui se sont avancés vers nous et nous ont abondamment tartinés de poudres colorées sur le visage et les cheveux en nous lançant un joyeux et débonnaire « Happy Holi ! ».

Alors absolument trempés et n’ayant déjà plus qu’une parcelle réduite de peau visible derrière ces couleurs, nous nous sommes pris au jeu. Nous n’avons plus sursauté* devant ces soudaines cascades de flottes nous tombant dessus (souvent l’œuvre d’une maîtresse de maison ou d’un de ses jeunes enfants remplissant des seaux entiers pour le plaisir de nous les déverser dessus), et pire, nous nous sommes armés en poudres de toutes les couleurs. Nous avons commencé à lancer quantité de « Shub Holi » accompagnés du traditionnel bain de couleurs sur la tête des passants, et sommes arrivés plus colorés que jamais chez notre ami.      

Je suis restée terrée dans cette cachette, sous l’œil bienveillant de la maman de Praveen, pendant que lui-même et Guillaume étaient allés là où sont les mecs, L’AUBERGE ! C’est l’endroit** oùle bhang est préparé dans d’énormes marmites de sorciers et distribué généreusement à tous.  Pendant ce temps, Bruno et moi étions gavés de nourriture « special Holi »***, et quand Bruno faisait de téméraires sorties dans la rue, j’étais ramenée aux grilles de la « colonie» par la maman attentive et je devais me contenter de regarder passer dans la rue les hordes de jeunes aux couleurs démoniaques et armés de tambours. Nous étions du côté des hostel de filles, et les policiers étaient particulièrement nombreux pour ne pas qu’ily ait de débordement. Les filles en effet, étaient enfermées à clé dans leur hostel, tandis que les garçons s’amassaient en nombre devant leur grille pour leur lancer tour à tour fleurs et insanités. 

Avec le retour de Guillaume et un dernier, rapide, tour dans DU (notre campus) où la fête s’épuisait, nous nous sommes rendus à JNU, l’autre campus majeur de Delhi, où les festivités pour Holi sont particulièrement reconnues.

Pour le coup, le nombre d’étudiants au mètre carré avait explosé ! Et avec lui, celui de filles présentes. Ici, pas de flics en vue, mais des groupes mixtes, et des filles seules, aussi bhangisées que les hommes, aussi peinturlurées, et apparemment bien en vie .C’était presque décevant, trop facile. Le nombre de participants aussi avait explosé, touchant jusqu’aux gardes en uniforme à l’entrée. Ils étaient partout, souvent sous forme de déchets en décomposition agonisant sur les trottoirs, formes plus véritablement humaines, ou en tout cas, pas dans la couleur. Mais parfois bien vivant, ils se lançaient des « Happy Holi » dans toutes les langues, allaient manger, discutaient, essayaient de reconnaître leurs pairs sous la couche de boue et de couleurs mélangées.

Guillaume a même reconnu Florence, alors que l’ayant en face de moi, il m’a fallu une bonne minute pour discerner les traits familiers. Ici aussi, la fête touchait à sa fin, mais le campus, beaucoup plus isolé, était aussi beaucoup plus vivant.  Nous avons retrouvé les nôtres, ceux du Campus Nord venu émigrer pour l’occasion, et les réguliers de JNU, autres français de Sciences Po, et faisant pâle figure devant eux, nous avons tôt fait de nous peindre davantage (car c’est véritablement ce que nous devenions, des tableaux mouvants).

En fin d’après midi, alors que les derniers spécimens valides rejoignaient les autres sur les trottoirs et que d'autres encore commençaient à se laver, nous sommes rentrés « chez nous », faisant figure d’extra-terrestre dans un métro où la vie avait repris normalement son cours…

* Enfin moi si, beaucoup, car les histoires que j’ai entendu depuis dès jours, sur les femmes se faisant violer et découper en morceaux avant d’être mangées pour leurs pouvoirs si elles avaient l’audace de sortir ce jour là, avaient fait leur effet sur la pauvre et fragile personne que je suis.  

**Absolument interdit aux femmes, car « c’est peut être un peu dangereux pour Brunelle »

***Parfumée au cannabis donc.